Cai • insomnies complices.

Obstrué dans un corps tout petit mais dans un monde trop grand lui faisant sentir le vertige étourdissant. Enfant aux mains vides, aux pieds nus contemplant la déchéance d’un univers qu’il aurait dû idolâtrer. Balafres sur les membres, silhouette infime rampant à la surface de la Terre afin de s’aérer. Bien trop humble, la gorge sèche, coincé, piétiné, désemparé.

il pleure le gosse
pleure la perte de sa candeur
pleure le manque, le goût de la misère
il a les pleurs si amers, si amples qu’il aurait pu se noyer par-terre.

mais peut-être,
peut-être que s’il se taisait on l’oublierait davantage
peut-être que lui-même s’oublierait, s’annihilerait
alors qu’il n’aspirait qu’à être vu, une fois, de quelqu’un, de dieu.
mais dieu les avait tous abandonnés.
dieu n’était qu’un adieu de plus dont il n’avait pas besoin d’entendre le couplet.  

☼☽☾☼

Let's hold hands we can fly high. gamin-bambin aux mains minuscules tâtant les formes de marques astrales contre l’échine fracassée d’aiguilles. Couleurs aux teintes les galaxies qu’il observe, celles qui brillent, étincellent, brûlent l’iris et suffoquent la gorge à la trachée trop fragile par des allergies minimes. Les grains de beautés sont contournés sous le derme constellé, ils demeurent étoiles invisibles, englouties sous la hallebarde de coups incendiaires. -- coups-pinceaux, il parait. Ils teignent et tracent des marques indélébiles pour l’ossature enfantine, aussitôt effacées au bout de quelques jours, un peu de maquillage, des parures trop amples dans lesquels il ne disparaissait plus. Enfant, il baisse la tête et contemple les vêtements trop chers, le luxe qui recouvre, saupoudre, masque les plaies, achète le silence, la fortune conquiert les avides cupides qui préfèrent tourner la tête plutôt que de faire face à la cruelle vérité. cai est abandonné. acculé. confus. estropié. blessé. imparfait. Chaque seconde le lui rappelle, les doigts et jointures usés d’essayer, le corps sculpté petit à petit par l’homme d’armée, rigide couronne épine implantée en son chakra supérieur et le faisant saigner. Il martèle, brise, détruit puis reconstruit, l’enfant ne saisit l’œuvre tentaculaire, se laisse envoûter par les paroles grandioses et tandis que les larmes trop honnêtes se meurent aux creux des joues trop creusées, fossettes annihilées, c’est le charme du parfum sucré qui enlace les membres glacés. ••• lovely. la manière dont elle le tenait auprès d’elle, traits semblables, jumelés aux siens, expressions d'une tendresse infinie nécessaire pour qu'il parvienne à contempler les lueurs d'un levé de soleil. Mère est belle, de ses longs et charmants cheveux de jais aux rictus partagé, aux baisers adoucis pour ne jamais appuyer sur les zones craquelées par les coups. Mère est belle, terriblement belle lorsqu'elle s'accroupit pour enlacer ses larmes du pouce, lorsqu'elle le nomme comme parfait bien qu'on lui ravage le crâne du contraire, lorsqu'ainsi le regard ancré dans le sien, il contemple la même souffrance, les mêmes coups masqués et encore plus nombreux car elle a choisi d'être la sienne, car c'est lui qu'elle a choisi en dépit d'une quelconque douleur.

Toutefois mère ne convainc plus, l'approche agressive le domine, la voix grave fait frémir et il voudrait tant être adulé lui aussi, tant aimé par les yeux qui ne cessent de le juger et par les mains si fortes qu'elles marquent plus qu'elles ne dessinent des bleus autour de ses bras, côtes, jambes. Elle est la douceur, mais aucunement la vérité, seulement l'amour qui tente de voiler la réalité. Ce qu'elle clame n'est aucunement les dires auquel il devrait croire ; car mère aime. Bon dieu elle aime. Aujourd'hui plus qu'hier mais certainement infiniment moins que demain. Elle l'aime comme elle aime père, delusional, vive, intense, passionnée, intrusive, authentique, indescriptible. Également terriblement faussée car elle lui ment à lui aussi parfois, elle ose défier l'autorité pour la protection, elle ose s’élever et reprendre le rôle de reine qui lui incombe, que quelques infimes heures et ce sont peut-être les plus parfaites. Jusqu'au ce qu'ils soient punis. Lui enfermé. Elle battue. Lui affamé. Elle consternée. Ne disait-on pas que tout pouvoir impliquait des responsabilités ? Ce seraient les leurs.

Et du bout, minuscule et aimable bout des lèvres elle lui susurrait que tout s’arrêterait bientôt et que rien ne durerait.
Elle n’avait pas menti.

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Artiste raté. Œuvre diminuée. Esprit fracturé et corps disloqué. Reflet meurtrit, âme damnée, morceau mal luné n’attendant qu’une énième tempête pour s’apaiser. Les lèvres sont sanguinolentes, décharnées à force de se montrer abjectes, toxiques, les mots si vénéneux pénétrant les veines pures et blessant l’orgueil de ceux pris pour des victimes de son esprit bourreaux. Dévorer pour ne pas se laisser posséder par des désirs inexplicables, par les orbites qui basculent parfois et les sourires qui se forment devant la prestance de l’homme sans H majuscule. Les paupières papillonnent et le jeune s’en retrouve confus, agressivité palpable et gestes visant à humilier et rabaisser les mêmes êtres trop fragiles tombés entre ses filets. Force brute d’un esprit fragmenté, il n’était que poussière mais de cette même poussière modelait-il des idées toujours plus blessantes et meurtrières visant à punir ceux qui n’osaient se défendre. Eux. Toujours eux. Eux. Encore eux. Eux et eux. Un battement de cils et s’était encore eux, lui, leurs regards, leurs gestes, eux qui hantaient ses rêves et dont la proximité l’étouffait. Ils l’abimaient. Ils le torturaient. Ne s’arrêtaient jamais. Cai si craquelé et consterné par sa propre image, délaissé dans la pénombre de l’incompréhension, abandonné face aux comportements qu’il n’aurait point dû aimer bien au contraire, ceux-ci auraient dû être censurés et bafoués au rang d’infamies.

Petit, si petit bambin à qui on ne saisissait les mains afin de lui montrer le chemin. Les jours sont effrayants car ils le confrontaient à ses propres erreurs et addictions maladives, car le cœur valsait et tanguait devant le sang versé et les larmes arrachées à ces mêmes êtres qu’il pouvait intimement, douloureusement, monstrueusement, possessivement et surtout secrètement ; honteusement désirer. La corpulence se forme et sous les vêtements on distingue les attributs masculins se raffermir, modelés et surtout affinés par les entraînements répétitifs du duc de l’armée. Le parcours est rude et les sports sont nombreux avant même qu’il ne puisse finir sa croissance, mais tout cela s’efface lorsque la satisfaction d’être finalement accepté comme fils emporte en pluie torrentielle tous les questionnements. Les regards sont basculés vers le garçons oui, mais les filles elles ont ce sourire qui fait rêver et les mains terriblement douces. Lorsqu’elles s’élancent de leurs jambes féeriques et roulent leurs jupes le regard est éblouit. N’est-il peut-être pas une cause perdue mais simplement doté d’une curiosité enfantine naturelle ; ne fallait-il pas connaître ce que l’on haïssait pour que le ressenti soit valide ?

Puis, mère lui a dit que ce n’était pas grave d’aimer, qu’importe le genre ou le temps.
Mais encore une fois, pouvait-elle mentir pour le protéger.

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il est assis, sous le ciel et ne contemple les étoiles.
il est assis mais cette fois-ci, il n’a pas froid, pas faim, aucune crainte.
parfois, les souvenirs reviennent, parfois il se met à pleurer tout seul, sans raison, sans comprendre le sens des larmes.
puis, maman s’approche et l’enlace dans ses bras, le laisse poser sa tête sur ses jambes et c’est une affection qu’il ne comprend pas.
il n’a jamais vraiment eu ça avant le déménagement loin de père Cai, jamais ce genre d’amour, jamais ce genre d’attention. Tout cela avait été interdit avant, uniquement permis en secret, uniquement autorisé de temps en temps.

Il avait toujours cru que sa place avait été celle de l’absent puis celle de l’éternel présent devant faire ses preuves, nonobstant son existence qui n’avait pas de réel sens. On lui avait dit d’exister le moins possible, alors il avait pris si peu de place que finalement il s’était lui-même tué. On lui avait dit d’exister le plus possible, alors il avait écrasé les moindres corps sue son passage. Jusqu’à fuir la maison du père et se stabiliser, jusqu’à ce que mère se remarie avec une personne droite et digne. Eux qui ont récupéré chaque vestige de sa personne, qui l’on regardé comme un être entier, comme un enfant ayant perdu candeur et ayant déjà l’envie de haïr le monde, bambin à fêlures. Et en cet instant, après d’innombrables moins d’hésitation, de cauchemars, de cris internes et externes, il savoure ce que la caresse tendre d’une mère sur la joue voulait dire. Il goûte au plaisir d’une voix rassérénante du père, qui sans crier le menait simplement vers l’apprentissage non risqué.

adopté, mais enfin à sa place
adopte, mais enfin digne d’exister
enfin enfant ; enfin aimé.
mais l’enfance est déjà passée, il lui fallait apprendre à être adulte désormais.

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plaies ouvertes, cœur fermé.
blessure à la tête et larmes contre l'oreiller.

L'accident suivit de l’opération avaient été brusques, le plongeant dans une sorte de conscience étrange, dans la contemplation de tout ce qu'il y avait de plus beau et de plus éphémère sur terre. Il a appris à aimer ceux qu'il avait, bien que de manière timide, parfois un peu boudeur, parfois un peu injuste. Il a appris à céder un peu de place, être plus présent pour autrui, être plus empathique, réaliser la valeur de la vie car elle pouvait lui échapper à chaque instant. Toutefois c'est un gamin Cai, il avait encore tant d'aspirations, encore tant d'ambitions. Il voudrait pouvoir marcher sur la lune, compter les étoiles, devenir médecin, banquier, psychiatre. Il voudrait apprendre six mille langages, toutes les langues, peindre, écrire, accepter d’aimer et se perdre jusqu'à se retrouver. Il voudrait tout faire, avec ce sentiment de ne pas avoir assez de temps. Cet greffe, ça a réveillé la mortalité en lui, la crainte de finalement ne pas pouvoir faire tout ce qu'il désirerait. Ça réveille les démons de minuit qui le hantent, la fragilité et l'intrépidité. Parce que c'est bon de rêver, de s'accrocher à quelque chose, parce qu'il voulait suivre les atteintes possibles du père et devenir médecin, pour que plus personne n'ait à vivre ce qu'il a vécu. Et il voudrait adopter tous ces gosses jetés à la rue, leur donner un foyer, leur donner ce qu'il a gagné quand il a rencontré des anges aux ailes mouchetés.

puis parfois, tout s'évanoui.
il oublie, s'absente, s'éteint
il change, roule, bascule, se renverse
parce qu'il change comme les couleurs

parce qu'encore une fois : cai n'est qu'un enfant qui un jour deviendra grand.
mais peut-être pas tout de suite.